Aruspice
!
Oh
! parbleu, je n'imaginais pas que vous en eussiez eu la pensée. Croyez−moi, seigneur Codindo, laissez
manger en repos vos poulets, et prononcez sur le sort de mon fils, comme vous fîtes dernièrement sur le
rhume de la perruche de ma femme. "
A l'instant Codindo tira de sa poche une loupe, prit l'oreille gauche de l'enfant ; frotta ses yeux, tourna et
retourna ses besicles, lorgna cette oreille, en fit autant du côté droit, et prononça : que le règne du jeune
prince serait heureux s'il était long.
" Je vous entends, reprit Erguebzed : mon fils exécutera les plus belles choses du monde, s'il en a le temps.
Mais, morbleu, ce que je veux qu'on me dise, c'est s'il en aura le temps. Que m'importe à moi, lorsqu'il sera
mort, qu'il eût été le plus grand prince du monde s'il eût vécu ? Je vous appelle pour avoir l'horoscope de
mon fils, et vous me faites son oraison funèbre. "
Codindo répondit au prince qu'il était fâché de n'en pas savoir davantage ; mais qu'il suppliait Sa Hautesse de
considérer que c'en était bien assez pour le peu de temps qu'il était devin. En effet, le moment d'auparavant
qu'était Codindo ?
CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.
Je passerai légèrement sur les premières années de Mangogul. L'enfance des princes est la même que celle
des autres hommes, à cela près qu'il est donné aux princes de dire une infinité de jolies choses avant que de
savoir parler. Aussi le fils d'Erguebzed avait à peine quatre ans, qu'il avait fourni la matière d'un
Mangogulana. Erguebzed qui était un homme de sens, et qui ne voulait pas que l'éducation de son fils fût
aussi négligée que la sienne l'avait été, appela de bonne heure auprès de lui, et retint à sa cour, par des
pensions considérables, ce qu'il y avait de grands hommes en tout genre dans le Congo ; peintres,
philosophes, poètes, musiciens, architectes, maîtres de danse, de mathématiques, d'histoire, maîtres en fait
d'armes, etc. Grâce aux heureuses dispositions de Mangogul, et aux leçons continuelles de ses maîtres, il
n'ignora rien de ce qu'un jeune prince a coutume d'apprendre dans les quinze premières années de sa vie, et
sut, à l'âge de vingt ans, boire, manger et dormir aussi parfaitement qu'aucun potentat de son âge.
Erguebzed, à qui le poids des années commençait à faire sentir celui de la couronne, las de tenir les rênes de
l'empire, effrayé des troubles qui le menaçaient, plein de confiance dans les qualités supérieures de
Mangogul, et pressé par des sentiments de religion, pronostics certains de la mort prochaine ; ou de
l'imbécillité des grands, descendit du trône pour y placer son fils ; et ce bon prince crut devoir expier dans la
retraite les crimes de l'administration la plus juste dont il fût mémoire dans les annales du Congo.
Ce fut donc l'an du monde 1,500,000,003,200,001, de l'empire du Congo le 3,900,000,700,03, que commença
le règne de Mangogul, le 1,234,500 de sa race en ligne directe. Des conférences fréquentes avec ses
ministres, des guerres à soutenir, et le maniement des affaires, l'instruisirent en fort peu de temps de ce qui lui
restait à savoir au sortir des mains de ses pédagogues ; et c'était quelque chose.
Cependant Mangogul acquit en moins de dix années la réputation de grand homme. Il gagna des batailles,
força des villes, agrandit son empire, pacifia ses provinces, répara le désordre de ses finances, fit refleurir les
sciences et les arts, éleva des édifices, s'immortalisa par d'utiles établissements, raffermit et corrigea la
législation, institua même des académies ; et, ce que son université ne put jamais comprendre, il acheva tout
cela sans savoir un seul mot de latin.
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Oh
! parbleu, je n'imaginais pas que vous en eussiez eu la pensée. Croyez−moi, seigneur Codindo, laissez
manger en repos vos poulets, et prononcez sur le sort de mon fils, comme vous fîtes dernièrement sur le
rhume de la perruche de ma femme. "
A l'instant Codindo tira de sa poche une loupe, prit l'oreille gauche de l'enfant ; frotta ses yeux, tourna et
retourna ses besicles, lorgna cette oreille, en fit autant du côté droit, et prononça : que le règne du jeune
prince serait heureux s'il était long.
" Je vous entends, reprit Erguebzed : mon fils exécutera les plus belles choses du monde, s'il en a le temps.
Mais, morbleu, ce que je veux qu'on me dise, c'est s'il en aura le temps. Que m'importe à moi, lorsqu'il sera
mort, qu'il eût été le plus grand prince du monde s'il eût vécu ? Je vous appelle pour avoir l'horoscope de
mon fils, et vous me faites son oraison funèbre. "
Codindo répondit au prince qu'il était fâché de n'en pas savoir davantage ; mais qu'il suppliait Sa Hautesse de
considérer que c'en était bien assez pour le peu de temps qu'il était devin. En effet, le moment d'auparavant
qu'était Codindo ?
CHAPITRE II. ÉDUCATION DE MANGOGUL.
Je passerai légèrement sur les premières années de Mangogul. L'enfance des princes est la même que celle
des autres hommes, à cela près qu'il est donné aux princes de dire une infinité de jolies choses avant que de
savoir parler. Aussi le fils d'Erguebzed avait à peine quatre ans, qu'il avait fourni la matière d'un
Mangogulana. Erguebzed qui était un homme de sens, et qui ne voulait pas que l'éducation de son fils fût
aussi négligée que la sienne l'avait été, appela de bonne heure auprès de lui, et retint à sa cour, par des
pensions considérables, ce qu'il y avait de grands hommes en tout genre dans le Congo ; peintres,
philosophes, poètes, musiciens, architectes, maîtres de danse, de mathématiques, d'histoire, maîtres en fait
d'armes, etc. Grâce aux heureuses dispositions de Mangogul, et aux leçons continuelles de ses maîtres, il
n'ignora rien de ce qu'un jeune prince a coutume d'apprendre dans les quinze premières années de sa vie, et
sut, à l'âge de vingt ans, boire, manger et dormir aussi parfaitement qu'aucun potentat de son âge.
Erguebzed, à qui le poids des années commençait à faire sentir celui de la couronne, las de tenir les rênes de
l'empire, effrayé des troubles qui le menaçaient, plein de confiance dans les qualités supérieures de
Mangogul, et pressé par des sentiments de religion, pronostics certains de la mort prochaine ; ou de
l'imbécillité des grands, descendit du trône pour y placer son fils ; et ce bon prince crut devoir expier dans la
retraite les crimes de l'administration la plus juste dont il fût mémoire dans les annales du Congo.
Ce fut donc l'an du monde 1,500,000,003,200,001, de l'empire du Congo le 3,900,000,700,03, que commença
le règne de Mangogul, le 1,234,500 de sa race en ligne directe. Des conférences fréquentes avec ses
ministres, des guerres à soutenir, et le maniement des affaires, l'instruisirent en fort peu de temps de ce qui lui
restait à savoir au sortir des mains de ses pédagogues ; et c'était quelque chose.
Cependant Mangogul acquit en moins de dix années la réputation de grand homme. Il gagna des batailles,
força des villes, agrandit son empire, pacifia ses provinces, répara le désordre de ses finances, fit refleurir les
sciences et les arts, éleva des édifices, s'immortalisa par d'utiles établissements, raffermit et corrigea la
législation, institua même des académies ; et, ce que son université ne put jamais comprendre, il acheva tout
cela sans savoir un seul mot de latin.
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